L’enjeu : le développement de la lecture pour l’enfant

Ceux qui se sont attachés à répondre concrètement à cette question nous disent ceci :

« Il faut, avant tout apprentissage de la lecture, que l’enfant ait découvert qu’il est très agréable de se raconter des histoires. Il faut lui donner le goût d’en entendre, susciter chez lui le désir de savoir la suite, de prendre votre place et de découvrir la fin de l’histoire dans le livre que vous êtes en train de lui lire… »

« Les adultes sont trop pressés. Ils veulent tout de suite enseigner. Il faut d’abord que l’enfant ait envie d’apprendre. Et cette envie est le signe qu’il est mûr pour le faire. A partir de ce moment, apprendre à lire est une chose excessivement simple… ».

« Un autre savoir est important à acquérir à l’âge de l’école maternelle : à quoi sert l’écrit dans la société ? Car c’est cela qui motive l’enfant à lire : savoir à quoi cela va lui servir personnellement. En fait, cela lui permettra d’acquérir davantage de libertés : savoir lire un programme de TV permet de choisir tout seul, savoir lire un album évite de recourir à un adulte, savoir écrire offre la possibilité d’envoyer des courriels ou des lettres… Des chercheurs ont montré que les enfants qui ont compris les fonctions de l’écrit dans la société et les avantages qu’ils peuvent en tirer, apprennent très vite à lire et à écrire dès la première primaire »[1].

« Il faut que l’enfant puisse avoir envie de lire. La plupart des gosses qui éprouvent des difficultés dans leur apprentissage de la lecture ont des problèmes familiaux graves et complexes. Les conditions de vie difficiles de leurs parents se transmettent comme par osmose à leurs enfants.  Ils sont angoissés, vivent refermés dans leur monde. Ils n’ont pas la disponibilité d’esprit nécessaire pour se consacrer à une activité aussi abstraite que l’apprentissage de la lecture. Ils sont noués, bloqués … Car pour l’enfant, lire c’est devenir autonome par rapport à l’adulte. C’est se rapprocher du monde adulte. Et certains enfants n’ont pas envie de cette autonomie-là. »

« Lire représente une expérience sociale : c’est découvrir les continents, mais aussi le passé, l’esclavage, le racisme, l’holocauste, les guerres et toutes les abominations qu’elles entraînent. Lire, c’est écouter la voix de ceux qui sont au chômage, de ceux atteints du sida, de ceux qui sont dépourvus de famille. Lire c’est comprendre, s’indigner et tenter de déchiffrer ce qui se cache dans l’histoire de l’humanité. C’est penser, malaxer, approcher des situations, des sentiments, toute cette intériorité qui permet aux jeunes de mieux saisir ce qui se passe en eux, autour d’eux, loin d’eux. » [2]

Enfin « selon des études réalisées à l’école maternelle, des chercheurs ont prouvé que l’apprentissage de la lecture se faisait plus aisément lorsque les élèves avaient fréquenté de nombreux albums. Non seulement la lecture leur a donné le désir de savoir lire, donc l’envie d’apprendre, mais ces lectures leur ont aussi apporté la possibilité d’imaginer. Grâce à ces récits qui ont développé leur imagination, ils savent mieux deviner un mot, émettre une hypothèse, énoncer du sens.  Les enfants qui n’ont pas été sensibilisés aux histoires n’ont pas les mêmes facilités. Ce sont souvent ceux dont les familles n’achètent ni journaux, ni livres et qui n’ont aucune pratique de l’écrit. Ces enfants-là risquent d’accumuler les difficultés. C’est contre ces échecs que des associations, des enseignants et des municipalités luttent afin qu’à tous les petits, à la crèche et à l’école maternelle, de nombreux albums soient lus avec régularité. D’ailleurs, même lorsque l’enfant sait lire, il est souhaitable de continuer à lui dire des histoires, car il faut compter de une à trois années avant qu’il puisse lire avec une aisance totale, celle qui procure un réel plaisir». [3]

[1] D’après « Le plaisir de lire expliqué aux parents », Christian Poslaniec, Editions Retz, Paris, 2006, p 78. Tous les formateurs « petite enfance » de Chantier sont en train de lire ce livre qui a été mis à leur disposition.
[2] D’après « Qui lit petit lit toute sa vie » de Rolande Cause, Editions Albin Michel, Paris, 2005, p.33.
[3] D’après « Qui lit petit lit toute sa vie » opcit  p.25